Le réseau au risque de l’adolescence

La commande institutionnelle nationale de la MILDT de création de consultation cannabis en 2005 fait suite à un ensemble d’études qui ont montré l’augmentation et la banalisation des usages de substances psycho actives (alcool, tabac, cannabis et drogues de synthèse) chez des jeunes et moins jeunes, notamment les adolescents.


Le Relais, centre d’accueil et de soins, spécialisé pour usagers de drogues et le CMP adolescent, ont réuni en 2003 une quinzaine de structures sur le territoire roubaisien, pour construire collectivement des réponses circonstanciées et adaptées, à l’accompagnement des adolescents qui développent des conduites à risques.

 Si les jeunes ne perçoivent pas les risques encourus et encore moins la nécessité de solliciter de l’aide, le rapport du Haut Comité de la Santé Publique, par contre, alerte l’opinion et les professionnels sur le fléau. Le rapport porte sur la souffrance psychique des adolescents et des jeunes majeurs.

L’inquiétude est grande lorsque l’on constate la carence des moyens d’écouter cette souffrance, car il y a une véritable pénurie de pédopsychiatres surtout quand on sait que trois quart des jeunes concernés par l’usage des substances psycho actives souffrent de dépression grave nécessitant une approche médico-psycho-socio-éducative, d’où l’urgence de créer des réponses innovantes.

La question d’un réseau coordonné d’acteurs locaux, ayant pour mission et compétence de travailler à définir des stratégies pour améliorer l’accompagnement des adolescents ayant des conduites à risque devenait alors nécessaire. Le financement PRS vient donner corps à cette volonté de constituer un réseau. Le partenariat ainsi constitué permet à chaque structure de jouer une partition dans le système thérapeutique élargi. Le circuit de la sollicitation doit pouvoir déboucher sur une demande d’aide. Au lieu de considérer comme prioritaire de préétablir l’offre aussi minutieusement que possible, l’essentiel deviendrait de fabriquer la demande avec le jeune et sa famille, tout en développant des structures assez souples pour être en mesured’y répondre valablement.

Le symptôme constitue une façon de dire autrement ce qui n’a pu se dire par la parole. Cela suffit à ce que l’on se demande si cette « façon de dire » n’est pas spécifique pour chacune des entités cliniques, s’il n’y a pas, en somme, un style propre à chacune des formes de pathologie pour diversifier les réponses et harmoniser la prise en charge.

Le symptôme est à entendre et à prendre comme un élément du transfert qui se met en place. Même dans la destruction, il est mouvement, déjà en route, pour tenter de regagner l’ordre du Langage, geste en quête d’adresse, tentative d’inscrire, par tous les moyens, avec l’aide d’un autre, de l’inaudible. Le sujet va être pris dans sa globalité.

La réponse spécialisée en direction des adolescents est devenue la résultante d’une réflexion sur la cohérence de l’accompagnement au point que c’est la demande qui fait lien et réseau. « Pour étayer la relation entre le mal-être psychologique et conduites à risque chez l’adolescent, il est d’usage de mesurer cette dépressivité et ensuite l’introduire comme variable explicative dans l’explication d’autres variables comme l’échec scolaire, les rapports sexuels non protégés, les consommations des drogues.. ». Ce mode d’approche contextuelle consiste à prendre en compte la dimension proxémique, l’environnement social et écologique de chaque structure et permet d’éviter une trop grande médicalisation des problèmes de consommations chez les jeunes tout en facilitant l’accès au soin proposé en filigrane.

A l’intersection des structures d’accueil il s’agit de :

1. Bâtir une cohérence en repérant les modalités qui permettent que les propositions se potentialisent les unes les autres

2. Hiérarchiser les réponses sans parasiter l’action des autres, en respectant les logiques internes à chaque équipe

3. Définir ensemble ce que conduite à risque veut dire dans un contexte où la ritualité des pratiques de drogues perçues comme culturelles par les consommateurs pourraient masquer la nécessité d’exprimer les mal vivre ou les mal être.

Il est de bon ton de dire que les conduites à risque des adolescents sont des pratiques qui témoignent d’un farouche besoin de se faire reconnaître. C’est une affirmation d’exister qui passe par une confrontation à un monde si hostile qu’il devient nécessaire d’exposer sa souffrance pour qu’enfin celle-ci soit prise en compte. Le mal vivre se déploie à l’adresse de l’entourage, les professionnels s’en saisissent comme d’une plainte à instruire.

La mise en scène qui se donne à voir comme passage à l’acte appelle une mise en sens. C’est cette perspective qui a regroupé des professionnels d’horizons divers, de métiers variés, d’appartenance institutionnelle multiple, de champs multi linguistes et transdisciplinaires, de partager des vignettes cliniques et de co-construire quelque chose de l’ordre d’un référentiel commun.

Pour donner du référent à un dispositif commun d’accueil, d’écoute, d’information puis d’accompagnement, d’orientation et de soin, le réseau qui s’est constitué vise le repérage des lieux voire des espaces où des paroles peuvent être déposées, où des processus de changement peuvent s’enclencher, et où des pôles de différentiation se repèrent.

Les pratiques qui s’exposent, se situent en proximité et en distanciation pour se potentialiser les unes les autres et permettre ainsi de créer des temps d’écoute différenciateurs face à la variabilité des conduites à risque. Ce qui importe dans ce partage, c’est la prise de parole par une double opération de repliement réflexif et de dépliement narratif.

Cet ensemble définit une herméneutique du sujet : tout ne peut se lire que dans l’après coup à travers des cheminements rendus possibles par les rencontres interinstitutionnelles. Il ne s’agit pas de venir avec une boite à outils déjà ficelée, mais de développer des stratégies d’accompagnement cohérentes pour construire des conduites de disponibilité qui intégreront les dimensions thérapeutique et éducative.

Il s’agit bien de favoriser, avec l’aide de l’adolescent, un itinéraire de vie s’appuyant sur la dynamique d’un parcours à visée socialisante et thérapeutique.

Au détour des échanges, les contributions et les situations exposées traduisent des chantiers ouverts :

Les conduites à risque révèlent chez l’adolescent une crise existentielle

La légitime inquiétude des familles et la nécessaire présence de tiers

Le travail en réseau

Les fonctions de la prévention (face sociale où s’institue l’investissement d’un mode de socialisation; face psychique où s’évacuent des états affectifs internes pour exprimer des situations de souffrance)

Les conduites à risque révèlent chez l’adolescent une crise existentielle.

Comme s’il fallait prendre possession de son existence, la pratique de consommation doit permettre de transcender la violence pubertaire. On assiste à une transaction vitale. Chaque geste à l’adresse des institutions est fondamentalement une quête de reliance. « La reliance est cette étonnante pulsion qui pousse à se chercher, à s’assembler, à se rendre à l’autre (Maffesoli, 1992). Elle est cette aspiration à reconnaître l’autre dans sa différence et sa personnalité, avec ses désirs, ses peurs, ses intérêts, aspiration à se rencontrer, à échanger avec lui, à être reconnu par lui, à vaincre l’angoisse de la séparation et à affronter celle de la rencontre (Bolle de Bal, 1986).» Chaque adolescent ou jeune cherche donc à être reconnu à travers sa pratique, à la recherche d’un tiers dans la mesure où la confiance en soi et en l’autre fait défaut. Tout le travail d’accueil consiste alors à éviter d’isoler l’adolescent de ses liens pour ne pas hypothéquer sa sensibilité.

La porte d’entrée pour la lecture de chaque situation n’est pas hiérarchisée par la question des drogues. Mais de la mise en scène à la mise en sens, l’approche du réseau permet de dresser la carte des faits d’observations sur lesquels des coopérations pourraient s’organiser. Les récits de trajectoire, les récits de vie deviennent des voies royales d’une symbolisation des événements traumatiques qui touchent l’estime de soi et la confiance dans autrui à l’adolescence.

A titre d’illustration, voici une situation clinique présentée par une infirmière

Les parents d’un jeune souhaitent avoir des informations sur les conduites addictives. Le couple est reçu. Cette démarche est une allégation au sens où en parle Neuburger c’est-à-dire une demande substituée. Ce sont les parents qui vont relater les évènements. Il s’agit de leur fils aîné de 21 ans qui consomme du cannabis depuis 4 ans. Ils décrivent des comportements de violence envers ses frères et sœurs. Ils s’inquiètent.

La question du cannabis tout en étant une préoccupation, révèle en filigrane une difficulté liée au défit de la confrontation. La défiance à l’égard d’une autorité parentale est au cœur d’une problématique de reconnaissance. En somme, les parents ne savent pas dire non. Le jeune est suivi par un médecin traitant. Le père le décrit comme quelqu’un de peureux, qui n’a pas de projet. Il ne le reconnaît pas comme son fils. Ce sentiment de désaffiliation entraîne un sentiment de rejet qui, à l’inverse, produit une surprotection de la mère évoquant la vulnérabilité de son fils. Les deux parents parlent d’hospitalisation.

Cet exemple illustre le fait qu’à défaut d’un réseau repéré, la demande n’arrive pas au bon endroit. Ici, on voit que les parents ne savent pas à qui s’adresser.

Une proposition sera faite aux parents de rencontrer le jeune à domicile avec son accord. Le rendez-vous étant confirmé, on passe de l’allégation à la demande. Le jeune évoque lui-même un problème de consommation d’alcool en quantité et des hallucinations auditives. Il indique son besoin de cannabis « j’adore ça, c’est ma vie ». Les parents demandent des adresses de foyer d’hébergement. Cette intention vient expliciter une demande de mise à distance à placer dans une configuration de double transaction.

Le système de réseau développe trois types d’ordre qui, créant chez le sujet des dynamiques internes grâce aux frontières que fixent les organisations, met en mouvement le désir et la demande de réaménager les rapports d’usage.

Le premier type concerne l’ordre de l’échange. Nous parlons ici de réseaux d’échange, appartenance à des cercles fussent-ils de consommation de drogue, en tout cas cercle d’élaboration de codes, de codification sinon de symbolisation. La double transaction traduit par Dubar (1991) peut se décliner dans une telle exigence. Le sujet se construit en effet par ses appartenances sociales (ses coquilles humaines au sens d’Abraham Moles) et par ses identités plus intimes. On peut en effet considérer la négociation que les individus confrontés à un dispositif mènent à l’égard des professionnels comme double transaction. La première transaction dite « biographique » permet au sujet « de projeter des avenirs possibles en continuité ou en rupture avec un passé reconstitué (‘’trajectoire ‘’) ». La seconde transaction dite « relationnelle », « vise à faire reconnaître ou non par les entourages familiaux et institutionnels, la légitimité de (leurs) prétentions, compte tenu de la capacité à porter le sujet dans ses errances ». Le « j’adore ça, c’est ma vie » traduit un besoin incompressif d’exister, d’être reconnu et de tester le degré d’amour de l’entourage. Entre déliance et reliance, le réseau va permettre de travailler sur cet entre deux de partage et de rupture. En se saisissant d’une situation, le réseau en tant que transversalité fabrique du multilinguisme. C’est ce multilinguisme qui permet de percevoir qu’au-delà de la souffrance ou des blessures qu’entrainent les conduites à risque, il y a du sens et fondamentalement un besoin de se construire une identité. Les professionnels contribuent alors à l’élaboration d’une économie psychique où vont s’enchevêtrer à la fois l’expérience émotionnelle et les possibilités de symbolisation.

Le second type tient de l’ordre de la loi. L’organisation institutionnelle doit tenir compte du libre arbitre des acteurs agissants, à condition que celle-ci ait un contenant et que son objet ait été défini pour la satisfaction des besoins intrinsèques des usagers… « Le processus identitaire, ponctué d’aller-retour, infini comme celui de la loi, est ouvert comme sur son interprétation infinie…La loi n’est pas la simple « mesure » de la culpabilité ; elle offre un appui qui permet de ne pas s’identifier à elle, de ne pas la porter sur son dos, donc d’être assez libre pour inventer d’autres formes de lien et d’existence ; pour être en devenir. La loi permet de soutenir la cassure identitaire sans se noyer dans la faute ou la conscience malheureuse; éthique de la co-naissance, de la vie qui s’interprète ». Le système d’action concret crée le jeu social du conflit et de la coopération. L’agir stratégique fonctionne alors grâce à la marge de jeu qui est laissée au sujet-acteur.

Les membres du réseau aiguillent le sujet et sa famille. C’est ainsi que pour l’exemple clinique qui nous concerne ici, il s’agit d’aller jusqu’au bout de la quête de sens. Faisant suite à la volonté de mettre à distance ce fils, un rendez-vous a été pris avec un foyer de jeunes travailleurs. C’est pourtant le père qui a appelé le matin même pour dire qu’ils ne voulaient plus que leur fils parte en foyer. Dans la suite des événements, les parents ont appelé en urgence. Le jeune est devenu de plus en plus violent. La police a du intervenir. Placé dans un foyer, cette solution a été abandonnée, il a d’abord vécu une expérience de SDF pour finir, après une interpellation sur la voie publique, dans un hôpital psychiatrique.

Le troisième type est l’ordre du mythe (fondateur), l’ordre de la culture. Tout ce qui est conféré à la structuration symbolique crée des normes et forme du sens. L’évocation des mythes, des légendes, les contes, les fables engendrent des processus par lesquels l’humanité a fini par se former en forgeant des mécanismes défensifs qui aident à surmonter certaines béances dans lesquelles il est facile de sombrer. Les tabous ou tout autre interdit fondateur structurent le genre humain. Le système de solidarité et de satisfaction passe par le système de représentations et de symbolisation qui offre des explications à travers les mythes, les rites, les supports religieux, éthiques, idéologiques politiques et économiques. L’identité individuelle s’y réfère, s’y structure ou s’y disloque.

Cet ordre du mythe est davantage illustré par cette autre vignette clinique présentée par une éducatricequi est venue exposer la situation dans la mesure où elle s’est retrouvée seule face à une configuration familiale complexe.  

La situation évoquée concerne un jeune à la porte de ses 18 ans. Ce jeune a été suivi lorsqu’il avait 14 ans. L’éducatrice a été interpellée par la maman (par rapport au comportement, prise de produit du jeune). Le père est décédé d’une overdose lorsque madame était enceinte de son fils. Le jeune porte le nom de son père, qu’il n’a pas connu. Une sœur aînée de 19 ans vit également au domicile.

Une visite à domicile pour rencontrer le jeune s’impose. Celui-ci a investit l’espace salon où se trouvent son matelas, télévision et ordinateur. Il n’y a plus aucune communication entre la mère et son fils. Le jeune subit une mesure d’investigation. L’éducatrice aborde d’emblée le rapport à la drogue en évoquant le fait qu’il fréquente le milieu du deal, que son père est mort d’une overdose et de sa consommation personnelle (qu’il n’a pas niée). Elle lui parle du travail qui se fait dans l’une des structures du réseau. Elle lui signifie son inquiétude pour la maman qui aurait des idées suicidaires. Ce qui constitue un premier symptôme apparent, c’est le non respect des règles. Le jeune semble être le chef de famille et il occupe tout l’espace (matelas dans le salon). Il s’agit d’abord de remettre en place des repères. La maman semble avoir depuis longtemps lâché prise. La sœur ainée a déserté les lieux et est allée vivre chez les grands parents maternels. Une tierce personne paraît davantage plus aidante.

La situation d’aide entre l’éducatrice et la famille s’instaure déjà. Est-ce judicieux de faire le relais dès ce moment là avec d’autres partenaires (en différenciant les lieux : un lieu  pour le jeune et un CMP adultes pour madame ?) Il y a, d’un côté, la mise en scène institutionnelle et, d’un autre, la mise en sens pour que chacun retrouve sa place. Il s’avère nécessaire de redistribuer les espaces.

L’éducatrice envisage alors d’accompagner et de faire un bout de chemin avec madame et son fils dans un 1er temps. En parallèle, la mesure d’investigation se poursuit avec l’intervention d’une éducatrice et d’un psychologue (voire un psychiatre)

Le jeune se contente pourtant de vivre dans un monde de disqualification et de dénégation par une tentation du risque. On évoque un accident de voiture volée où il est le seul à avoir été pris comme dans une attitude sacrificielle dans une immersion consentie dans le danger. La recherche d’une sensation de soi se trouve du côté du corporel.

En installant son matelas au salon, il confisque, non seulement, l’espace des proches, il empêche aussi l’usage de ce point d’accueil où peut se nouer le lien social. Par cet acte, le jeune instaure l’isolement de sa mère et de sa sœur; c’est une forme de viol des lieux communs. Le jeune brave les interdits tout autant de socialité qu’à l’égard de la tradition. Ce jeune d’origine maghrébine a franchi, à bien des égards, des limites symboliques d’humanisation.

En partant, l’éducatrice rappelle toutes ces données culturelles, renvoie le jeune à ses responsabilités. Le jeune promet de libérer les lieux communs et de rejoindre sa chambre. Nul ne sait si ce jeune est à la recherche de passion initiatique, de rites de conjuration ou d’éloignement de ses assises culturelles, en quête de sensations ordaliques. Il faut néanmoins le sortir du contexte de déliaison sociale qui empêcherait toute métamorphose de soi.

A une visite à domicile ultérieure avec la mère, l’éducatrice arrive à l’avance, la mère est en retard, c’est le fils qui ouvre la porte, le salon est toujours en l’état. Fait supplémentaire, il a dormi là avec un garçon, manifestement plus âgé que lui. Cette situation est pour le moins ambiguë et alourdie la dimension transgressive. L’éducatrice rappelle le jeune à ses engagements pour qu’il réintègre sa chambre. Le copain est pris à témoin. Celui-ci admet que ce comportement n’est pas normal, il va sur le champ l’aider à monter le matelas dans la chambre. Dans la foulée, les lieux sont nettoyés, restituant pour le coup l’espace à son usage habituel : télévision, meubles, etc.

Lorsque la mère rentre des courses, elle constate les choses et est plutôt surprise. Entre temps, le copain du fils est parti, la dyade mère/ado se retrouve en face à face témoignant de la nécessité intérieure de se retrouver dans une portée familiale où chacun devrait jouer sa partition. Le fils promet d’aider sa mère à relooker la maison. La perspective de réaménager le lieu d’habitation ouvre des horizons temporels plus enclins à la transformation du schéma familial dans une fiction plus anticipatrice. Peut-être est ce le retour dans une lignée familiale où la mère va être autorisée à exercer ses fonctions.

Lorsque le fils prend congé de cette rencontre à trois, la mère se lâche et se délivre de son désarroi qu’elle va exposer en parlant des liens d’emprise qui ont hypothéqué ses propres inscriptions sociales, ses relations intimes et ses propres imbrications familiales avec sa fratrie et ses parents à elle. Elle-même voudrait s’émanciper des poids de la tradition. Elle a un rapport sinon de reniement, en tout cas de distanciation à la recherche d’une réassurance identitaire. Dans cette vignette clinique, le transgénérationnel prend figure d’examen des liens d’alliance, de déliance et de reliance pour une figuration de la place de chacun.

Lorsque l’éducatrice y retourne une troisième fois, la mère a réinvesti les lieux. Le fils semble aider la mère à décorer la maison, la nouvelle donne est que le fils dort désormais chez le copain.

Du coup, toutes ces transactions vitales où l’on voit à quel point les temporalités sont fragilisées, montrent tout le caractère anthropologique de ces tableaux cliniques. Les actes posés sont ainsi des passages à la parole, des moyens pour énoncer des assertions personnelles et solliciter un accompagnement.

Le réseau sert à impliquer tout l’environnement humain et sollicite l’ensemble des coquilles humaines.« La transaction dit Gaston Pineau, renvoie à une opération sociale de base qui déborde les utilisations juridiques, psychothérapeutiques et même pédagogiques ». Les transactions vitales permettent de situer le soi comme un mouvement d’intériorisation des interactions. Il s’agit d’aider les jeunes et leur famille à réaménager différentes « coquilles humaines » ou espace qu’un sujet peut former, grâce à une praxis autonome ou hétéronome.

1° « Un espace corporel déterminé bien sûr par l’épiderme mais prolongé par les différents sens -les 5 sens classiques, goût, odorat, ouïe, toucher, vue, mais aussi les moins classiques en particulier le « 6 ème sens mystérieux « symbole des autres » ».

2° « Un espace habitat qui est la première coquille aménageant l’environnement immédiat, »

3° « un espace des proches, familial et amical, »

4° « Un espace voisinage où commence comme dit A. Moles « l’empire policé des autres » mais de façon encore assez informelle. « L’être y va spontanément, sans méthode, sans agenda, il y retourne, il y erre » (cf. A Moles, 1975, p. 107) »

5° « Un espace social qui est celui des différents lieux institués, professionnels, médicaux, éducatifs, religieux, politiques…occupés et balisés fortement par le travail, l’hôpital, l’école, l’église, les partis, »

6° « Un espace physico – cosmique dont la  personne est un élément, »

7° « Et finalement un espace métaphysique dont le mode de présence semble bien être celui de l’absence, de l’inconnu, de l’invisible mais avec lequel il faut établir, bon gré mal gré, un rapport fut-ce de rejet, »

« L’hypothèse de base, nous dit Pineau, est que le sujet humain n’existe comme sujet qu’en s’appropriant les rapports qui le lient à ces différents espaces. Il en est d’abord, et peut en rester, le simple produit principalement hétéro structuré. S’il veut devenir lui-même, il n’a le choix que de se lancer dans un processus d’auto structuration qui est l’appropriation de ces rapports pouvant entraîner une transformation des espaces correspondants » .

La légitime inquiétude des familles et la nécessaire présence de tiers

La famille en tant que groupe affiliatif filiatif est agie par les actes posés par l’adolescent. Foyer de socialité, la famille participe à la fabrication de l’espace psychique en définissant la réalité interne et en façonnant les accordages affectifs sur lesquels le sujet s’appuie. Le jeune est habité par sa famille au même titre que le jeune habite la famille. Cette transaction vitale est plus souvent au cœur de la qualité des liens émotionnels et de leur actualisation par les mécanismes transférentiels.

L’inquiétude des familles s’opère sur deux enjeux :

Le premier enjeu. Toute conduite à risque signifie qu’un danger potentiel peut bouleverser la donne de l’attachement. La crise identitaire affecte les pôles d’étayage qui jusqu’ici donnaient du contenant à l’existence de l’enfant. En s’affranchissant de son moi enfant, l’adolescent se dépouille aussi, à certains égards, d’un style d’être qu’il tenait de la configuration et de la structuration familiale. Entre la perte d’une forme de sécurité et l’accès à l’autonomie, la difficulté de trouver des relais compensatoires fragilise les repères et les points d’étayage, le jeune va alors remettre en cause les coquilles humaines qui jusqu’ici le contenaient. Ainsi, comme le souligne Martine LANI l’adolescent« perd à chaque rupture les repères qu’il avait établis avec son entourage, repères symbolisés par tout un système de communication (par le langage et les gestes): l’adolescent se trouve seul. Pour survivre, il est obligé de renoncer à ses références antérieures et de se construire un nouveau réseau de communications inter humaines mais qui restera précaire ». Dans les vignettes cliniques évoquées lors des rencontres du réseau, nous notons qu’en face de carences affectives, l’adolescent peut s’installer dans une autodestruction si le sentiment d’exister pour soi est frustré par une absence ou une indisponibilité vécue comme telle. Les conduites à risque sont ab réactionnelles. Ces réactions auront tendance à se perpétuer, isolant les jeunes des initiatives de leurs parents qui auraient pu leur offrir des nouvelles possibilités d’interaction et de structuration. La fragilité du cadre symbolique entraîne la dissolution voire même la dérobade des assises identitaires. « La perte des ancrages externes met en évidence les défaillances, la précarité des objets sociaux comme relais des objets primaires et la fragilité de la relation à ses objets ». C’est tout le processus de construction qui risque d’être remanié. « Concrètement, la construction du Soi résulte d’un triple processus somato-psychique où l’image de soi s’étaye sur l’image du corps; processus pulsionnel (le narcissisme) par lequel ces images sont investies objectivement et qui commence notamment par l’amour et l’estime de soi; un processus relationnel et intersubjectif par lequel l’image de soi se constitue dans le regard d’autrui et notamment dans le regard des parents pour le tout petit enfant » (Lipansky, 1998, p. 36).

Un couple vient en consultation dans une structure du réseau pour évoquer la situation d’un de leur fils qui a un niveau scolaire qui pourrait lui permettre d’intégrer une formation universitaire. Son frère aîné travaille (en intérim) et vit essentiellement dans sa chambre (« fantôme »). Il est compulsif de jeux et d’achats sur Internet. Le jeune qui nous concerne ici, consomme excessivement le week-end 2 à 3 bouteilles de Vodka. Il a été amené aux urgences par ses copains suite à un malaise sur la voie publique. Une infirmière du réseau l’a rencontré. Cette situation l’a interrogé au point qu’elle a senti la nécessité de l’évoquer. Elle découvre que les parents sont déjà suivis par une psychologue et un éducateur d’un des services du réseau. La mère retravaille depuis un an à l’extérieur mais se culpabilise : elle dit que son fils  va mal car il s’ennuie sans elle.

Quand il a bu, ce jeune veut cogner son père comme celui-ci l’a fait avec son frère. On évoque un problème de transmission dans la famille, madame a en effet, eu un père alcoolique et les enfants ne connaissent rien de leur grand-père maternel. Il n’existe pas d’album photo : on ne parle pas de l’histoire. La relation affective entre ce jeune et son père n’est pas visible; ces relations passent par la mère qui a le pouvoir « d’être indispensable ».

Depuis que le couple consulte, le père veut reprendre une place et veut se rapprocher de ce fils. Pour l’aider à grandir, il s’en rapproche par le biais des études, s’intéresse à son orientation pour septembre prochain (BTS). Il a suggéré Mr et Mme d’être plus clairs sur la transmission intergénérationnelle.

Le groupe s’interroge sur la fonction de l’échange: Quel est l’impact institutionnel dans le suivi de la famille ? Quel sens met-on dans le fait que le jeune (qui n’est plus un adolescent) se soit adressé à l’hôpital général alors que ses parents sont suivis en couple par une autre structure du réseau ?. Le jeune veut un lieu de paroles à lui mais ne veut pas forcément parler à un thérapeute. Le temps est important pour construire un cadre pour faciliter l’accès à la parole. Les lieux s’excluent; cette différentiation qui implique un partenariat issu d’un diagnostic partagé vient mettre en évidence que le travail de réseau doit s’amorcer. L’analyse se joue sur une double perspective :

Dispositif spatial de la consultation

1) Tenter de comprendre comment ce jeune. qui n’est pas l’aîné des enfants traduit quelque chose qui soit de l’ordre du symptôme au point de ressentir de si violentes colères ayant entraîné des passages à l’acte graves (malaise sur la voie publique) jusqu’à s’approprier une conduite paternelle qu’il réprouve par ailleurs. La compréhension de ces colères pourrait permettre de les réduire, ou de jouer sur le nombre de passages à l’acte qu’elles entraînent.

2) Redonner à chaque membre de la famille une place, d’où la nécessité de prendre en compte le travail qui est en cours dans une des structures du réseau.

Le rôle du groupe pour le jeune

Comprendre la double nature de ce jeune (veut un lieu de paroles à lui mais ne veut pas forcément parler à un thérapeute) et dégager de ses crises violentes des éléments pour les analyser et les réduire ;

Permettre au père de reprendre une place auprès de ses enfants en l’incitant à se réinscrire dans l’histoire de sa parentalité ;

L’instauration d’un travail sur l’intergénérationnel notamment du côté de l’alcoolisme du grand père paternel doit s’envisager, mais comment ça se travaille ?

Le groupe a une fonction de contenant, de portage et de déclencheur d’émotions, dans cet ordre, me semble-t-il, car il faut d’abord que le groupe soit rassemblé et compétent pour que les jeunes se sentent soutenus avant qu’ils s’autorisent à parler.

Le groupe entier, dans sa fonction de contenant, apparaît comme une matrice dans le sens où il est le moteur qui conduira à un changement car il constitue un cadre  » à mi-chemin « ,  » métissé « , propre à fournir un contenant à la souffrance d’un patient qui se trouve toujours peu ou prou lui aussi en situation d’ » entre-deux « .

Nous continuons à dire que le groupe constitue une enveloppe ou une matrice, donc un contenant qui renferme les pensées, les paroles et les actions de tous les intervenants. En même temps, il délimite pour chacun son espace intérieur car chacun est d’abord responsable de lui-même et appartient à un sous-groupe contenu dans le grand groupe. Le groupe dans son entier procure en même temps un sentiment de liberté, puisque les thérapeutes peuvent même émettre des avis contradictoires qui seront, ou non, retenus par le thérapeute principal.

Le groupe maintient les échanges entre les différents sous-groupes et entre les individus par sa propre temporalité, car il comprend un passé auquel il fait remonter son origine, et un avenir où il envisage de poursuivre ses objectifs.

Le groupe est d’abord un contenant. Le groupe médiatise la relation entre thérapeute principal et jeune… Le groupe permet un discours sur le jeune qui ne le fige pas dans une représentation unique… 

La fonction thérapeutique du groupe

Le groupe a une fonction thérapeutique par :

1) « la fragmentation et la reconstruction » comme on peut l’imaginer dans l’acte que pose le jeune.

2) « une redondance entre contenant et contenu » par la présence des différents groupes (le dispositif) et le déclenchement de la colère (le contenu),

3) « une médiation entre les univers hétérogènes » : le monde de la maison et le monde du dehors,

4) « des raisonnements logiques en actes » (demander au père de s’investir pour son fils afin de créer des liens avec son fils et de lui permettre de reprendre sa place de chef de famille).

Le rôle du groupe dans la participation aux soins

Dans une consultation, chacun peut appréhender l’identité comme multiple.  Le groupe représente une sorte de modèle de multiplicité qui fonctionne, non seulement en raison de la présence de plusieurs personnes, mais aussi de la multiformité et de la globalité de sa pensée. 

La stabilité du dispositif est un autre facteur important de cohésion qui favorise l’émergence des pensées. C’est le rôle du thérapeute principal de maintenir en éveil chaque participant en l’amenant à trouver les mots qui peuvent s’adapter au comportement du patient. Il peut lui-même également décrire une de ses propres expériences (vraie ou imaginée) afin de participer plus activement au groupe, sachant que toute intervention de sa part, pour être efficace, doit passer par l’intérieur de son esprit et agir avant tout sur lui-même, comme le font toutes les interventions des co-thérapeutes.

Le second enjeu. La conduite à risque peut témoigner d’une faillite du système éducationnel.L’adolescent  oscille entre des tensions crées par une multiplicité de conflits (conflits cognitifs, conflits relationnels et/ou affectifs) et la menace que peut engendrer les discontinuités. Nous apprenons chez B. Brusset que le travail que l’on engage avec la famille a pour objet de restaurer la circularité de la parole, de restituer l’autorité parentale en leur redonnant une place, en résistant parfois à la destructivité du sujet. Cette manière de faire permet de soutenir la famille dans le processus de séparation qui s’amorce pour les aider à accompagner l’adolescent dans le devenir adulte. Ce processus de subjectivation qui cohabite avec une parentalité ébranlée par la crise pubertaire amène les professionnels à accompagner l’objet transgénérationnel vers une nouvelle fiction qui aide le jeune à construire des temporalités moins fragilisées par des conduites transgressives.

 Le travail en réseau

A l’interne de chaque structure, le public sollicite les professionnels dans une clinique de résolution.Accompagnement, évaluation, soutien, prévention dans le cadre des troubles psychiques pour le CMP Ado, Accueil des personnes consommatrices de substances psycho actives et de leur famille, Évaluation de leur projet de rupture avec la drogue, Évaluation médicale et une orientation rapide en fonction de leur état de santé, Accompagnement lors de leurs sevrages ambulatoires, Aide à la résolution de leurs problèmes administratifs (logement, justice emploi), Aide à la (ré) insertion sociale et professionnelle,Soutien et Accompagnement des personnes en détention, Délivrance de méthadone en partenariat avec l’hôpital de Roubaix (puis) pour Le Relais, L’aide à la préparation des décisions judiciaires, La mise en œuvre des décisions judiciaires, La participation aux politiques publiques, Mission d’accompagnement,Mission de relais pour le CAE, Consultations de prévention, Mise à jour des vaccins, Dépistage et traitements de la tuberculose et des IST, Orientation vers les bilans de santé en collaboration avec les CPAM et l’institut Pasteur, et accompagnement en amont et en aval du bilan, Orientation vers un service médical ou social, Accompagnement individuel dans une démarche de santé, Accompagnement à l’arrêt du tabac, Actions collectives d’éducation à la santé pour le SPS, Accueil, écoute, orientation, médiation pour des jeunes de 10 à  25 ans dans le respect de la confidentialité et de l’anonymat sans délimitation géographique, Accueil des parents qui le souhaitent, lors des permanences et sans rendez vous pour POINT ACCUEIL JEUNE , Écoute & aide dans divers domaines d’intervention : scolarité, formation/emploi, justice, santé, précarité, problèmes administratifs, de logement, difficultés familiales, aide aux projetspour l’AEP, Écoute & aide dans divers domaines d’intervention : addictologie, consommation à risque ou nocive susceptible d’induire ou ayant déjà provoqué des dommages physiques, affectifs, psychologiques ou sociaux pour le consommateur et les personnes de son environnement proche ou lointain, Traitement de souffrances physiques & psychiques, information, diagnostic, orientation, prévention pour le CCAA.

Chaque structure vient exposer son expérience. Les vignettes cliniques sont dépliées pour en déduire des unités de sens.

Travailler en réseau, c’est accepter que l’autre regarde la façon dont tu travailles. Il est plus facile de travailler avec une personne que tu connais car tu ne te sens pas jugé. Accepter que les membres du groupe soient dans une situation de manque.

Le public vient déposer une souffrance mais pas d’une manière neutre. Le réseau constitue le tiers dans la complémentarité et pas dans la complaisance. La complémentarité est l’objet même du travail en réseau. Les côtés psychologiques et éducatifs dans l’accompagnement sont complémentaires.

L’usager en toxicomanie va frapper à différentes portes, cela fait partie de sa pathologie. Quand le suivi est mis en place pour un jeune : il a ses repères, ses rituels,… Il est souvent difficile après de faire le relais vers une autre institution. Se pose la question au sein du réseau : quand faut-il cohabiter ou se séparer ? Parfois il est riche pour le jeune d’avoir 2 lieux distincts dans son accompagnement.

En Prévention Spécialisée, le travail en partenariat fait partie du quotidien. Le système dans certaines institutions fait que parfois le partenariat est difficile. Il y a souvent moins d’interrogations sur la qualité des accompagnements que sur la quantité des jeunes reçus.

Le réseau devient peu à peu un espace de médiation et d’élaboration de point de partage, un moment où une évaluation dynamique peut se déployer. Vincent De Gaulejac parlant d’« évaluation dynamique » indique que celle-ci vise à mettre en œuvre des dispositifs souples de changement des procédures, des modes de communication et d’information, des relations entre les différents partenaires d’une organisation en les associant dès leur conception.

Dans ce contexte, la médiation prend tout son sens dans un travail où le sujet est appelé à réaliser des transactions et des interactions. « Dans médiation, il y a média, médium, et un philosophe aujourd’hui disparu, Vladimir Jankélévitch, a beaucoup écrit sur le problème du « médiat » et de l’immédiat. La médiation nous protège de l’immédiat, elle nous protège d’un contact direct. L’immédiat, au sens étymologique, serait de l’ordre de la violence, de l’action directe. (…) La médiation permet que l’on passe en quelque sorte de deux (la relation duelle) à trois. Le troisième terme n’est pas un sujet, car on parlerait alors de médiateur, mais c’est un objet, un support, une substance, quelque chose d’inanimé mais qui va faire changer la nature de la relation intersubjective » (Ivan Darrault-Harris, 2000, p. 54). Les récits que le sujet consent à relater ont donc cette valeur de médiation dans la mesure où le sujet y effectue les objectivations qui le lient à ses idéalisations et ses rapports aux institutions. Ses idéalisations qui se font sous le mode de reliance, permettent l’enclenchement des mouvements de réconciliation  et de compréhension.

De la clinique de résolution, le professionnel passe, grâce au travail du réseau, à la clinique de l’embarras.

Cette clinique mobilise trois étapes.

La première étape consiste à historiciser le parcours du sujet qui développe des conduites à risque. Tracer le parcours de souffrance (Barus-Michel, 2001, pp. 117-128), non pas pour y maintenir la personne, mais pour y introduire des aménagements et construire des déplacements afin de permettre l’accès au jeu, au langage et d’atteindre un équilibre suffisant, une stabilité narcissique qui va faciliter une construction identitaire. « Il y a souffrance quand la capacité de contrôle et d’élaboration des sensations et des représentations est dépassée, les capacités intellectuelles sont débordées, le retentissement émotionnel encombre le psychisme, étouffant l’activité intellectuelle, la capacité imaginaire (celle de former des représentations nouvelles). (…) La souffrance inhibe les facultés et destitue le langage : « Je ne peux plus penser » ; elle paralyse l’activité symbolique : le cri, la plainte, les conduites à risque se substituent à la parole et à l’échange. La plainte est monotone et répétitive, elle accompagne linéairement le mal-être, témoignant de ce que le sujet est isolé, exilé dans le temps et l’espace, « cloué », assigné en un ici indépassable, fixé dans le présent indéfini de la souffrance : «ça ne s’arrêtera donc jamais ?» » (p.118). Le but du jeu dans le travail du réseau, c’est de faire émerger l’existence d’un continuum de résilience au-delà des déliances produites par les conduites transgressives..

La seconde étape est celle où on crée un espace de médiation : le système d’empathie qui s’impose pendant la première étape a besoin d’une régulation affective et éducative par l’entremise de la demande d’aide par le jeune et/ou par sa famille. A ce stade, les six constantes de la médiation définies par Kaës (2002, in Chouvier et al.), traduisent bien ce qui se joue dans cette étape.

« Toute médiation interpose et rétablit un lien entre la force et le sens, entre la violence pulsionnelle et une figuration qui ouvre la voie vers la parole et vers l’échange symbolique. (…)

Toute médiation implique une représentation de l’origine, ou renvoie à une scène des origines, à une figuration de la conjonction et de la disjonction.(…)

Toute médiation s’inscrit dans une problématique des limites, des frontières et des démarcations, des filtres et des passages. (….)

Toute médiation s’oppose à l’immédiat, dans l’espace et dans le temps. La médiation est une sortie de la confusion des origines. (…)

Toute médiation suscite un cadre spatio-temporel. Elle génère un espace-tiers entre-deux ou plusieurs espaces, et donc des limites et des passages. Elle génère corrélativement une temporalité qui exprime une succession entre un avant et un après, entre l’absence et la présence, donc une origine et une histoire. C’est dans cet espace-temps de la médiation que s’inscrivent les enjeux des processus de transformation.  (….)

Toute médiation s’inscrit dans une oscillation entre créativité et destructivité: c’est de cette oscillation que témoignent de manière exemplaire les phénomènes transitionnels. La médiation permet au sujet d’explorer, sans s’y perdre, l’espace interne et l’espace externe, puis l’espace singulier et l’espace commun et partagé. Elle assure la capacité d’investir dans l’objet sans s’y dissoudre ou le détruire, de faire trace sans figer celle-ci dans un signe. » (pp. 13-14)

Ce qui se passe dans cette étape est ce qui se joue lorsque le savoir partagé, le diagnostic partagé, fonctionne comme un espace intermédiaire (Winnicott, 1975 et  Mosconi, 1996), dans le sens où le savoir crée des reliances, notamment le lien entre ce qui se conçoit en interne avec les références théorico-cliniques habituelles et l’extériorité avec d’autres repères. La polarisation sur les seules composantes pathologiques dans les conduites à risque, vient renforcer les attitudes de méconnaissance d’ordre défensif. Tout le travail du réseau est d’ouvrir la réflexion sur des enjeux qui débordent les utilisations juridiques, psychothérapeutiques et même éducatives.

La troisième étape va être consacrée à la construction du projet. C’est le moment où le sujet opère une multitude de transactions. L’accompagnement se déploie dans les différentes facettes de l’auto structuration dont sera capable le sujet. Le processus de subjectivation s’amorce. La pédagogie de la transaction mobilise les mouvements de réconciliation avec toutes les dimensions de la personne. Les propositions ont toute la faculté d’actualiser l’image de soi. Ces propositions sont alors des processeurs de sens, elles permettent aux personnes de restaurer leur position d’auteur par un ré ancrage de l’Autre comme interlocuteur habilitant. On peut alors parler de ré ancrage du corps, de la parole et des apprentissages. « …Ce qui est médiateur ou intermédiaire ou transitionnel, ce n’est pas l’objet, quelles que soient ses qualités intrinsèques de médium. Ce qui assure une fonction symbolisant et médiatrice, c’est la croyance dans les vertus de l’objet et cette croyance a un double fondement : dans la psyché de l’autre et dans l’expérience du sujet. Aucune médiation n’est productrice d’effet de croissance psychique si elle n’est pas d’abord présentée par un sujet à un autre sujet et alors seulement inventée-créée par l’un et par l’autre dans cet accompagnement mutuel » (Chouvier, 2002, p. 27)

Les fonctions de la prévention (face sociale où s’institue l’investissement d’un mode de socialisation; face psychique où s’évacue des états affectifs internes pour exprimer des situations de souffrance)

Accompagner les adolescents qui développent des conduites à risque, c’est leur proposer un cadre de fonctionnement bien défini, s’y tenir soi-même, et les aider à entrer dans ce cadre.

Dans l’injonction thérapeutique, le tiers est désigné d’avance, le jeune le connaît. A bien y regarder, cette situation n’est pas exceptionnel, le jeune n’arrive pas seul. Il vient sur la demande de son père, de sa mère, ou de son éducateur, quand ce n’est pas un autre jeune qui recommande la démarche !

Dans cette démarche quelque soit la contrainte, la crainte de décevoir ou la crainte de sanctions judiciaires (i. e. la prison) l’amène à s’inscrire dans un processus de demande d’aide. Il peut découvrir à cette occasion la vie sans produit. Sur le plan socio éducatif on peut noter qu’il investit dans la vie scolaire, professionnelle, ou affective. Sur le plan des difficultés plus existentielles, de la pathologie à l’origine des conduites à risque; la sollicitude des autres est un déclic pour aborder le soin, faire connaissance des professionnels, démarrer un suivi, voire une démarche de psychothérapie. Ainsi, toute forme d’injonction thérapeutique ou non fonctionne comme un étayage. Lorsque cela ne fonctionne pas, la gestion des temporalités du jeune est la voie qui permet aux professionnels par l’intermédiaire du réseau d’explorer les médiations les mieux choisies : soit que le jeune n’est pas disponible (ce n’était pas le bon moment), soit qu’il n’est pas dans les dispositions favorable (il n’était pas capable de profiter de cette offre, soit que les modalités d’accueil ne correspondent pas (nous n’avons pas su faire).

Nous entendons par prévention toute approche qui s’adresse à un public d’enfants, d’adolescents et de jeunes majeurs, pris dans une histoire familiale difficile, vivant souvent dans un environnement socio culturel dont les déterminants n’échappent pas aux processus de précarité, d’exclusion ou de marginalisation, sources de mal-être, d’actes de délinquance et de violence. La précarité ici se conçoit comme une très forte incertitude sur les chances de réaliser un projet de vie satisfaisant. La précarité crée du repli sur soi et engendre des états de souffrance psychique sinon psychosociale. Le jeune est alors obligé de renoncer à ses références antérieures et à se construire un réseau de communication qui risque de l’isoler des milieux qui pourraient lui offrir des possibilités d’interactions et de valorisation de soi. En découle un absentéisme ou une rupture scolaire, une dépression voire une dévalorisation de soi. Qui dit processus dit cette propension à réactiver des mécanismes d’échec. « Un adolescent en difficulté, est en difficulté du fait de certaines lacunes personnelles, familiales et sociales. Arrive un moment où seules ces difficultés définissent le jeune qui en oublie pour son propre compte tout ce dont il est capable, tout ce sur quoi il a du pouvoir ».

C’est à partir du moment où ils prennent conscience que leurs assertions sont prises au sérieux dans une approche globale de leurs difficultés que s’institue pour eux un processus d’appropriation et d’adhésion. Accompagner ces jeunes consiste alors à mettre au travail ce qui en eux peut constituer un moteur, mais cette mise au travail est aussi une mobilisation de l’environnement du jeune pour constituer une chaîne signifiante. Le réseau contribue à construire cette chaine signifiante.

La fonction principale de la prévention est de restituer à l’individu une parole personnelle qui l’aide à verbaliser ce qui en lui ou autour de lui constitue une entrave pour s’inscrire de manière stable et satisfaisante dans un processus de scolarisation, de formation ou de recherche d’emploi.

Cela implique cinq axes de travail :

Principe de « libre adhésion »: Au lieu de considérer comme prioritaire de préétablir l’offre aussi minutieusement que possible, l’essentiel deviendrait de fabriquer la demande avec le jeune tout en développant des structures assez souples pour être en mesure d’y répondre valablement.

Principe de modularité : Un projet se réalise rarement en navigation solitaire, il résulte d’un effort interactif; création d’un réseau d’appuis, de relais, des sources.

Principe d’habilitation : Le sujet cherche à se faire reconnaître. La fonction maïeutique que l’on exerce à chaque rencontre, introduit la reconnaissance des sources et des ressources d’autrui. Le statut de compétence d’un individu dépend fortement de la manière « dont sont nommées et parlées ses contributions et ses compétences ».

Principe d’appropriation : l’activité du jeune est de travailler son projet: le tester, l’élaborer, le chercher, le socialiser, le modifier, nul autre que lui ne peut le créer, ni le contester… Le contrat met dans le moment présent les acteurs en situation de choisir, de décider, d’agir; et c’est en agissant que ces acteurs se construisent ; le projet devient donc le lieu même de l’apprentissage.

Principe d’éthique du sujet : Ce qui s’exprime dans le rapport à l’école, à la formation, aux autres, à la société avec ses lois, c’est l’identité même de l’individu, constellation de repères, de pratiques, de mobiles et de buts engagés dans le temps et prenant forme réflexive dans une image de soi. Mais cette identité n’est pas seulement exprimée dans ces différents rapports, elle y est aussi en jeu : être confronté à un apprentissage, à un savoir, à l’école, à une relation, c’est engager son identité et la mettre à l’épreuve. Orienter, c’est ré habiliter le lien social.

Dans la prévention, la recherche de solutions se fait dans un processus où la co-construction du projet de vie conduit à considérer cet accompagnement comme un étayage à un travail d’autonomisation. Cette autonomisation qui ne peut se développer que dans un contexte de subjectivation, réalisé au bénéfice d’une relation de confiance.


En guise de conclusion

Depuis peu, on parle de sociologie clinique dans l’analyse des organisations et dans l’analyse des pratiques. L’idée de penser la pratique permet aujourd’hui d’interroger comment chacun des membres d’une équipe contribue au travail de conceptualisation qui donne du sens aux actions menées. En nous appuyant sur la culture commune énoncée par les équipes (les valeurs, les grilles de lecture différenciées, les vignettes cliniques, le projet d’équipe, le projet individualisé), nous voyons comment la parole se libère et circule au sein d’un groupe, dans une distribution nourrie par une intersubjectivité, toujours à l’œuvre quand plusieurs fonctions s’exercent et se confrontent. Il s’agit parfois de gérer des couples de tension contradictoires pour déduire les conduites à tenir auprès des publics cibles en mettant à jour les effets de rupture et les effets de structure voire des effets de suture.

Le travail d’un réseau de structures se construit sur l’expérience des équipes et a pour objet de favoriser la mise en scène et la mise en sens de ce qui se joue. Qu’est ce qui est à l’œuvre ? Qu’est ce qui est mis au travail ? Sans négliger les notions de bonnes pratiques, de bonne-traitante, de démarche qualité suggérées par la loi de 2002-2, il s’agit d’interroger la qualité de la démarche pour laisser advenir une clinique du sujet et une clinique éducative.

En accompagnant ces équipes, notre rôle est de créer, à partir de chaque membre impliqué par ses propres déterminations temporelles et spatiales, ses appartenances institutionnelles, ses choix théoriques et ses usages culturels, des schémas de représentation où la créativité va faciliter le réaménagement des pratiques élaborées en co-construction par le groupe. C’est créer un espace intermédiaire d’étayage qui est à la fois une instance de communication et une instance de conflictualisation : il ne s’agit pas seulement de prendre connaissance des points de vue divergents, sinon contradictoires, de chacun à partir d’un discours commun, mais grâce à ce positionnement de s’engager dans un remaniement progressif de ces positions pour opérer un travail théorico-clinique (pédagogique, thérapeutique et éducatif), en intégrant des objections et des arguments et ainsi d’accéder à un nouveau rapport à l’altérité, notamment lorsque les mécanismes transférentiels sont pris en compte. Le lieu de création de ce nouveau savoir est le lieu d’articulation des différences pour une appropriation de référents théorico cliniques communs, lieu qui doit se vivre comme un sas de circulation des paroles inédites par le simple fait que leur verbalisation est rendue possible par notre accompagnement. C’est donner du sens au projet d’équipe.

Le réseau est une instance tierce qui aborde le sujet du face à face dans sa double perspective de proximité et distance dans l’intervention professionnelle. Cette instance est un espace de médiation. 


Mais avant tout, qu’entendons-nous par médiation ?

Un cadre où loger l’expérience de soi. Ce cadre est de prime abord un espace de l’entre deux, un intermédiaire puisque l’étymologie renvoie à cette caractéristique, un lien (entre un désir naissant et l’action générée par ce désir, entre la force et le sens, entre le non dit et l’exprimable). Tout message flou devient inaudible. Toute  forme de verbalisation crée un statut d’auteur. La médiation crée des effets de langage là où la parole fait défaut. La médiation s’interpose, fait différence pour mieux articuler et mieux réunir. Ces premiers éléments de définition de la médiation nous rapprochent du concept de transitionnalité développé par Winnicott qui décrit un espace transitionnel permettant le compromis entre un pôle qui est situé dans l’objectivité, la réalité d’une activité et porteur dans un 1er temps de satisfaction immédiate puis, peu à peu, de manque, et d’un autre pôle situé dans la subjectivité, la réalité interne ou affective du sujet, ce que nous appelons transitionnalité interne porteuse de créativité. La médiation apporte une sécurité dans la mesure où elle permet par son effet contenant (Winnicott parlerait d’effet de holding) d’offrir une enveloppe rassurante. Cette sécurisation est apportée par les paroles, les attitudes, le climat. L’espace de médiation est un dispositif, un lieu de rencontre et de partage d’une activité qui va favoriser l’appropriation par le sujet de son espace corporel, psychique, social et relationnel.

Les médiations sont précisément éducatives lorsqu’elles permettent des transactions et des interactions nouvelles pour faire accoucher les jeunes d’eux-mêmes grâce aux médiations sémiotiques lorsque les actes de langage génèrent l’accomplissement des cognitions ou des effets de sens par l’entremise de compromis de coexistence et d’ajustement mutuel (négociation et autorégulation), et lorsqu’elles engendrent des processus psychiques. C’est là qu’émerge la pédagogie de la transaction. Celle-ci est traversée par trois niveaux d’approche : la pédagogie du projet, la pédagogie différenciée et la pédagogie du contrat.

En ouverture de ce travail nous posons deux références :

La première référence : « La conquête du savoir se renouvelle chaque fois qu’il est exercé et que « la jouissance de son exercice est la même que celle de son acquisition ». Cette assertion nous la devons à Jacques Lacan qui pose là le principe de la formation expérientielle, preuve que la médiation est là pour mettre en mouvement les sources du sujet. C’est dire que l’objet médiateur n’est pas un déjà là qui s’imposerait au sujet, il est le résultat d’une multiplicité d’opérations tantôt procédurales tantôt intuitives, tantôt muettes, tantôt verbalisées, tantôt métaphore tantôt réalité, suivant ou non des mouvements kinesthésiques, parfois symbolisables et non symbolisés. Dans tous les cas, la médiation est génératrice d’un mouvement de réciprocité qui vient déconstruire toute temporalité linéaire issue d’une multiplicité de déterminismes, pour introduire une temporalité circulaire.

La seconde référence : « Si la question de la médiation revient avec insistance dans le débat contemporain, c’est probablement parce qu’elle exprime la nécessité dans laquelle nous sommes pris de traiter d’une manière nouvelle, aussi bien dans l’ordre de la vie psychique que dans celui de la culture, la question récurrente de l’origine, des limites, de l’immédiat, des transformations et, surtout, de la violence, dans sa double valence destructrice et créatrice. » C’est notre deuxième référence, nous la devons à René Kaës. Et cette fois, l’assertion introduit la temporalité chère à Gaston Pineau notamment dans l’ouverture « des entre-temps d’où peut jaillir une temporalité personnelle, une histoire, une chronogénie ». Preuve que la médiation, en introduisant la transitionnalité, crée des zones de double communication : se démarquer et s’articuler.

La relation de face à face est souvent marquée par des résonances personnelles dans la prise en compte des histoires de vie des protagonistes.  La situation vécue prend alors un sens particulier à déduire des mécanismes psychiques qu’il s’agit de comprendre grâce à une instance tierce   

Point de clinique du sujet qui ne soit soutenue par une forte reconnaissance et par l’institutionnalisation des outils et des enjeux. Pour que chaque jeune ne se perde pas dans une singularité soumise au malaise de la subjectivation, pour qu’il soit reconnu dans cette singularité sans s’y perdre, sans que la famille n’ait le sentiment que leur enfant est soustrait des exigences de la socialisation, il importe que le dispositif joue son rôle de contenant, soit cohérent et sécurisant, harmonisé et dirigé. L’approche clinique est à la base même de chaque projet.

Toute clinique éducative est assortie d’un travail de nomination. En nommant ses interventions le professionnel définit ses compétences, ses propres frontières et celles du sujet. Par exemple lorsqu’il parle de travail d’écoute, de soutien, de médiation, d’orientation, d’accompagnement, d’accueil, de création, il mobilise toute la stratégie éducative requise. Chacune de ses nominations traduit non seulement des modalités, elles induisent aussi une action recherche. Une nomination est un énoncé qui intègre l’enfant dans un compromis de coexistence où les mouvements transférentiels ne sont pas éloignés.

Il n’y pas de sujet sans savoir et le sujet se fonde lui-même d’un savoir. On ne s’approprie jamais l’expérience des autres ni leur vécu. On ne connaît que les réponses qu’ils veulent bien donner même si on y trouve des réponses cachées à eux-mêmes. Chacun a tout un savoir connu de lui éphémère, non dicible, non transmis.

L’instance qui se crée à chaque rencontre, en plus des effets spécifiques d’aide au travail qu’elle peut assurer, provoquent des effets formatifs sur les participants. Elle a l’avantage d’assurer un lien souvent distendu entre la pratique et la théorie. L’apprentissage a alors une fonction sécurisante dans la mesure où il s’agit d’élaborer en filigrane un référentiel commun.

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